Édito
Notre patrimoine pris en otage
5.3.2002


À cette époque où les multinationales du disque se plaignent haut et fort de toutes les atteintes qui sont faites à leurs droits en raison de la prolifération des techniques modernes (graveurs de CD, MP3, et ainsi de suite), ne serait-il pas temps de leur rappeler aussi leurs obligations?

J'entends dans ce texte me limiter à la chanson française d'ici, c'est à dire au Québec et au Canada français dans son ensemble, mais ce que j'en dirai s'applique tout aussi bien à la chanson d'ailleurs et des autres cultures.  En ce qui nous concerne, c'est une part essentielle de notre héritage qui dort dans les archives de Sony Musique, de BMG, EMI, Universal et de combien d'autres.

Ceux de ma génération ont connu l'époque où on l'on pouvait trouver chez les disquaires d'ici des bacs remplis d'albums de Gilles Vigneault, de Claude Léveillée, de Pauline Julien, de Monique Leyrac, de Claude Gauthier, des Cailloux, de Jean-Pierre Ferland...  plus tard, on y repérait des enregistrements de Diane Tell, de Gaston Mandeville, de Fabienne Thibeault, de Diane Dufresne, de Jacques Michel, de Gilles Valiquette...  ce que tous ces artistes ont en commun, c'est d'être plutôt mal représentés en ce qui concerne les ré-éditions de leurs albums - et surtout ceux de leurs débuts - en format CD.  Pour bon nombre d'entre eux il y a eu, c'est vrai, des compilations, du genre «Les grands succès de X» ou «Les plus belles chansons d'Y», mais je serais prêt à parier qu'il en existe bien d'autres comme moi qui seraient prêts à délier les cordons de la bourse pour se procurer les premiers albums de Vigneault ou de Gauthier, des Cailloux ou de Mandeville, et ce en réédition intégrale comme on l'a fait notamment pour Daniel Lavoie et pour Sylvain Lelièvre.

Oui, je comprends qu'on pourra nous faire valoir le facteur «rentabilité», qu'on nous dira que les efforts tentés en ce sens jusqu'à présent (et je reconnais qu'il y en a eu) n'ont pas rapporté les profits escomptés.  Mais je me demande quel est le coût de telles rééditions:  pas de frais de studio ni de photographie, il ne reste à vrai dire que ceux de la numérisation des bandes maîtresses, de la gravure des CD et de l'impression des cahiers, et de la distribution.  C'est bien peu de chose, me semble-t-il, comparé à ce que représente l'enregistrement et la mise en marché du dernier Céline Dion.  Bien sûr que le prochain Céline leur rapportera bien plus qu'une ré-édition de Pauline Julien ou de Diane Tell, mais le rapport coût/recettes ne demeure-t-il pas à peu près constant?

Et si les multinationales ci-haut mentionnées n'ont pas intérêt à ré-éditer les albums qui leur ont pourtant rapporté de beaux profits jadis, ne pourraient-elles pas en céder les droits à des entreprises d'ici qui seraient prêtes, elles, à tenter l'expérience?  Et si on lançait une collection «limitée» à quelques milliers d'exemplaires dont chaque CD comporterait deux albums intégraux?  Si on les offrait en abonnement à des prix abordables?  Il suffirait d'un peu d'effort et d'imagination de la part des détenteurs des droits pour faire en sorte que nous soit rendu ce patrimoine essentiel.  Et s'ils craignent encore pour leurs précieux droits, ne pourrait-on pas profiter des technologies existantes pour faire en sorte que ces CD soient impossibles (ou du moins très difficiles) à copier?

Je termine donc en dressant cette liste que j'ai établie en parcourant ma collection de 33-tours, et qui ne tient compte que des artistes que j'ai connus et appréciés suffisamment pour me procurer leurs disques;  ajoutez-y une myriade d'autres que je n'ai pas connus ou que j'ai moins aimés - ce qui ne signifie pas qu'ils soient moins importants, ça va de soi! - et ça servira à donner un aperçu des richesses dont on se doit d'exiger la ré-édition:

· Les Cailloux - 3 (4?) albums parus chez Capitol
· Pierre Calvé - Au moins deux albums chez Columbia
· Renée Claude - Tous les albums parus sous étiquette Barclay
· Jim Corcoran - Têtu (Kébec-disque)
· Corcoran & Gosselin - Les premiers disques chez Zodiaque;  «À l'abri de la tempête» (Kébec-disque)
· Georges Dor - Ses premiers albums chez Gamma
· Claude Dubois - «Dubois», «Touchez du bois» (Barclay);  «Tel quel» (Spectra-Scène)
· Diane Dufresne - «Sur la même longueur d'ondes» (Kébec-disque)
· Raoul Duguay - «Allô tôullmônd» (Capitol)
· Jean-Pierre Ferland - Le premier album paru chez Barclay
· Jean-Paul Filion - «Jean-Paul Filion et sa guitare» (Pathé)
· Claude Gauthier - Les deux premiers albums (Columbia); les suivants chez Gamma
· Pauline Julien - «À la Comédie Canadienne» et au moins deux autres (Columbia)
· Georges Langford - au moins deux albums chez Gamma
· Donald Lautrec - «Fluffy» (Trans-World)
· Daniel Lavoie - «Aigre-doux How Are You» (WEA)
· Félix Leclerc - «Le tour de l'île» (Philips)
· Claude Léveillée - Les trois ou quatre premeirs albums (Columbia)
· Monique Leyrac - «chante Leveillée et Vigneault» (Columbia
· Léveillée-Gagnon - Deux albums en collaboration (Columbia)
· Gaston Mandeville - Les trois premiers albums (RCA)
· Jacques Michel - «Citoyen d'Amérique» (Jupiter) - «Pas besoin de frapper» (Zodiaque)
· Michel Pagliaro - «Pag» (RCA)
· Richard Séguin - «Trace et contraste» (Acapella)
· Diane Tell - Les quatre premiers albums (Polydor)
· Fabienne Thibeault - «La vie d'astheure», «Conversations», «Les chants aimés #1 et #2» (Kébec-disque)
· Gilles Valiquette - «Valiquette est en ville», «Vol de nuit» (Columbia)
· Gilles Vigneault - Premiers albums (une bonne dizaine) (Columbia)
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