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Frère Roger

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En mémoire de Frère Roger

1915-2005

Le départ de frère Roger laisse un grand vide. Sa mort tragique nous a bouleversés. Mais, nous les frères, nous avons aussi vécu la période qui a suivi dans une profonde reconnaissance pour ce qu’il nous a laissé, et ces lignes voudraient en être une expression. Cette reconnaissance, une foule innombrable à travers le monde l’a partagée avec nous. Cela nous a soutenus. Nous étions comme portés par Dieu. Et, dans son épreuve, notre petite communauté a fait cette expérience d’unité qu’ont vécue les premiers chrétiens : n’être qu’un cœur et qu’une âme.

Pour frère Roger, rechercher une réconciliation entre chrétiens n’était pas un thème de réflexion, c’était une évidence. Pour lui, ce qui importait avant tout, c’était vivre l’Évangile et le communiquer aux autres. Et l’Évangile, on ne peut le vivre qu’ensemble. Être séparés n’a aucun sens.

Très jeune déjà, il a eu l’intuition qu’une vie de communauté pouvait être un signe de réconciliation, une vie qui devient signe. C’est pourquoi il a pensé réunir des hommes qui cherchent d’abord à se réconcilier : c’est la vocation première de Taizé, constituer ce qu’il a appelé « une parabole de communion », un petit signe visible de réconciliation. Mais la vie monastique avait disparu des Églises de la Réforme et il venait d’une famille protestante. Alors, sans renier ses origines, il a créé une communauté qui plongeait ses racines dans l’Église indivise, au-delà du protestantisme, et qui par son existence même se liait de manière indissoluble à la tradition catholique et orthodoxe. Une fois que les fondements furent assurés, au début des années soixante-dix, et qu’il y eut aussi des frères catholiques, il ne cessa pas pour autant de créer notre communauté, et cela jusqu’à son dernier souffle. Concernant son cheminement personnel, il disait : « Marqué par le témoignage de la vie de ma grand-mère, et encore assez jeune, j’ai trouvé à sa suite ma propre identité de chrétien en réconciliant en moi-même la foi de mes origines avec le mystère de la foi catholique, sans rupture de communion avec quiconque. »

L’héritage est énorme. Et surtout : l’héritage est vivant. Frère Roger nous a laissé des écrits. Mais à ses yeux, ses propres écrits nécessitaient constamment d’être adaptés à une nouvelle situation. Même la règle de la communauté, qui restera le texte de base de notre vie commune, il l’a retravaillée à plusieurs reprises. Comme s’il voulait nous entraîner à ne pas nous attacher à la lettre ou à des structures, mais toujours à nous abandonner au souffle de l’Esprit Saint.

Par son Esprit, Dieu est présent à chaque être humain. Frère Roger avait dans son cœur tous les humains, de toutes les nations, en particulier les jeunes et les enfants. Il était habité d’une passion pour la communion. Souvent il répétait ces mots : « Le Christ n’est pas venu sur la terre pour créer une nouvelle religion, mais pour offrir à tout être humain une communion en Dieu. » Cette communion unique qu’est l’Église est là pour tous, sans exception.

Rendre cette communion accessible aux jeunes, enlever les obstacles sur leur chemin, était une des préoccupations qui l’habitaient. Il savait qu’un des plus grands obstacles était l’image d’un Dieu considéré comme juge sévère qui fait peur. En lui, une intuition est alors devenue toujours plus claire et il faisait tout pour la transmettre par sa propre vie : Dieu ne peut qu’aimer. Le théologien orthodoxe Olivier Clément rappelait encore récemment que cette insistance de frère Roger sur l’amour de Dieu a marqué la fin d’une époque où, dans les différentes confessions chrétiennes, on craignait un Dieu qui punit.

Dans sa jeunesse, frère Roger avait connu des chrétiens qui pensaient que l’Évangile imposait avec sévérité des fardeaux aux croyants ; à cause de cela, il y eut une période où la foi lui devint difficile et où le doute pointa en lui. Sa vie durant, la confiance en Dieu est restée un vrai combat. Dans ce combat se trouve une des origines de son ouverture aux jeunes générations et de son désir de les écouter. Il disait lui-même qu’il voulait « chercher à tout comprendre de l’autre ».

Beaucoup de jeunes avaient de lui l’image d’un homme toujours prêt à les écouter, chaque soir après la prière, pendant des heures s’il le fallait. Et quand sa fatigue devint trop grande pour qu’il puisse écouter chacun, il restait quand même le soir dans l’église et donnait à ceux qui s’approchaient de lui une simple bénédiction, posant sa main sur leur front.


Jusqu’à la fin, avec un élan et un courage exceptionnels, il nous a entraînés sur le chemin de l’ouverture aux autres. Aucune détresse, physique ou morale, ne l’effrayait au point qu’il lui tourne le dos. Il accourait ! Et plus d’une fois il était tellement absorbé par une situation concrète de souffrance qu’il semblait oublier d’autres choses tout aussi importantes. Il reflétait alors ce berger de la parabole de Jésus qui oublie 99 brebis pour s’occuper d’une seule qui est en train de se perdre.

Quand on parlait avec Geneviève, sa sœur, qui est morte deux ans après lui, on était frappé par la ressemblance avec son frère : éviter toute parole dure, tout jugement définitif. Cela remonte loin dans leur famille, cela vient d’une mère exceptionnelle. Bien sûr un tel trait de caractère a ses revers. Mais ce qui compte c’est que frère Roger ait su créer avec ce don ! Et nous, les frères, nous avons vu que cela le conduisait parfois aux limites de ce qu’un être humain peut porter.

On a dit de lui qu’il avait un cœur universel. Avec une bonté qui reste étonnante. La bonté du cœur n’est pas un mot vide, mais une force capable de transformer le monde parce que, à travers elle, Dieu est à l’œuvre. Face au mal, la bonté du cœur est une réalité vulnérable, mais la vie donnée de frère Roger est un gage que la paix de Dieu aura le dernier mot pour chacune et chacun sur notre terre.

Constamment il cherchait à concrétiser la compassion du cœur, surtout pour les pauvres. Il citait volontiers saint Augustin : « Aime et dis-le par ta vie. » Cela l’entraînait à accomplir des gestes parfois surprenants. On l’a vu revenir d’un séjour à Calcutta un bébé sur les bras, une petite fille que lui avait confiée Mère Teresa, avec l’espoir qu’un départ pour l’Europe lui sauverait la vie, ce qui fut en effet le cas. On l’a vu accueillir et installer dans le village de Taizé des veuves vietnamiennes avec de nombreux enfants, qu’il avait découvertes lorsqu’il visitait un camp de réfugiés en Thaïlande.

Être concret : cela se manifestait aussi dans sa capacité d’arranger les lieux. Il n’aimait pas construire des bâtiments. Quand c’était inévitable, alors il fallait que ce soit tout simple, très bas, fait si possible de matériaux de récupération. Mais il aimait transformer les lieux. Et avec très peu il cherchait à créer de la beauté. La construction d’une église à Taizé a été inévitable à un moment donné, mais il a beaucoup résisté au projet et, ensuite, il en a constamment repris et modifié les arrangements. J’ai vu cela même dans le quartier pauvre de Mathare Valley, au Kenya, où nous avons vécu quelques semaines, avant que des frères s’y installent pour des années. Dans cette pauvre baraque, au cœur de la misère, il a trouvé moyen de mettre un peu de beauté avec presque rien. Comme il le disait, nous voudrions tout faire pour rendre la vie belle à ceux qui nous entourent.

Frère Roger se référait souvent aux béatitudes et disait parfois de lui-même : « Je suis un pauvre. » Il nous appelait, nous les frères, à ne pas être des maîtres spirituels mais avant tout des hommes d’écoute. Il parlait de son ministère de prieur comme celui d’un « pauvre serviteur de communion dans la communauté ». Il ne cachait pas sa vulnérabilité.

Maintenant notre petite communauté se sent poussée à continuer sur le chemin qu’il a ouvert. C’est un chemin de confiance. Ce mot « confiance » n’était pas pour lui une expression facile. Il contient un appel : accueillir en grande simplicité l’amour que Dieu a pour chacun, vivre de cet amour, et prendre les risques que cela suppose.

Perdre cette intuition conduirait à imposer des fardeaux à ceux qui viennent chercher l’eau vive. La foi dans cet amour est une réalité toute simple, si simple que tous pourraient l’accueillir. Et cette foi transporte des montagnes. Alors, même si le monde est souvent déchiré par des violences et des conflits, nous pouvons porter sur lui un regard d’espérance.

Frère Alois

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